Libre envie [ Shun Shiroi > Saya Mikaru ]

Assise au comptoir du bar, Saya buvait encore et encore. Non pas de l'alcool mais du coca, cette boisson pétillante qui nous obligeait à en boire toujours plus. Saya se déhanchait sur son tabouret au rythme de la musique entraînante qui résonnait dans la pièce. Ses yeux verts éteint, dénoués de tous sens de vie.

Pour une fois, la jeune fille avait mis une robe, une robe noire, longue, qui lui arrivait au pied. Celle-ci montrait ses magnifiques courbes et pouvait ainsi permettre aux hommes de la salle, de la contempler à leur guise. Ses yeux étaient maquillés légèrement et du noir prônait le plus. Ses longs cheveux soyeux étaient attachés en chignon et laissait voir son tatouage. Elle s'en fichait un peu beaucoup à vrai dire.

Elle regardai les hommes de temps à autres en voulant se rassurer et trouver de nouveaux clients. Il lui en fallait à vrai dire, elle ne pouvait pas vivre sans eux, mais surtout sans leur argent. Elle commanda un nouveau verre de boisson mais changea la donne. Elle commanda un Sake et paya d'avance. Bon, elle était peut être jeune mais elle s'en fichait royalement. Qui viendrait la chercher dans un coin comme celui-ci? Personne vu qu'elle n'avait personne. Elle regarda le barman avec un grand sourire et des yeux exprimant une certaine insistance. Discrètement, elle glissa un gros pourboire au barman pour qu'il serve vraiment son verre d'alcool. Ca ne serait pas la première fois qu'elle allait en boire, mais la dernière fois qu'elle avait fait, beaucoup de chose s'était passé.

Il lui était interdit de repenser au passé. Elle avait fait une énorme croix dessus et elle allait pas le faire. Elle se leva de son tabouret et d'un pas élégant et raffiné, elle se dirigea vers le centre de la pièce pour commencer à déhancher son corps sur le rythme d'une musique un peu plus endiablé et rythmé. Plusieurs hommes hésitèrent à venir mais Saya ne faisait rien pour les repousser, au contraire, il lui fallait un nouveau client ou elle ne pourrait pas arrondir son fin de mois.

Shun tituba dans l’entrée. Encore une fois il ne parvenait pas à remettre ses idées en place… ça devenait une habitude franchement épuisante chez lui. Que ce soit pour son entourage ou bien pour lui-même. S’appuyant contre l’un des meubles lisses du hall, il passa une main tremblante et hésitante sur ses vêtements trempés par la pluie. A présent il lui collait au corps comme une deuxième peau et rendait tout mouvement désagréablement périlleux. Il ferma les paupières et se laissa enivrer par le parfum délicat de l’alcool et de la fumée de cigarette. Complètement endoloris par ce qu’il avait déjà ingurgité avant de se trouver dans ce bar là, il se dirigea vers un siège sur lequel il s’installa confortablement. Immédiatement le barman, un bel éphèbe brun qu’il connaissait fort bien pour l’avoir un peu trop souvent côtoyer, se précipita vers lui et posa un verre de vodka translucide.

« _ Un de ces quatre il faudrait que vous pensiez à venir ici avec l’esprit claire…
_Je déteste avoir tous mes esprits… Chaque fois que c’est le cas je me rends immédiatement compte que la vie est pire qu’une décharge… Au moins quand j’ai plus de trois gramme d’alcool dans le sang je ne ressens rien d’autre que l’envie de gerber…
_ Monsieur Shiroi…
_ Shun… Tu peux m’appeler Shun… File moi une deuxième tournée aussi et n’en parlons plus ok ? Moi tout ce que je veux c’est consommer et partir sans que personne ne me fasses chier… C’est tout ce que je veux.
_ Très bien monsieur… »

Se penchant légèrement en avant, il porta le verre à ses lèvres crispées et les entrouvrit pour en vider le contenue. Aussitôt une délicate et familière sensation de brûlure descendit le long de son œsophage et jusque dans son estomac. Une fois que cette chaleur s’y fut nichée aisément l’humidité qui imprégnait ses membres commença à se dissipée. Cela dura seulement un instant avant que la seconde rasade ne prenne le même chemin et qu’il ne commence sérieusement à se sentir nauséeux. Autour de lui le monde tanguait dangereusement et la lumière, qui une seconde auparavant tout au plus lui semblait tamisée et accueillante, sembla prendre des teintes rougeoyantes de brasier infernal.

«_ Ça va monsieur ?
_ Pourquoi ça n’irait pas gamin ?
_ Parce que vous êtes plus pâle que la mort…
_ Je suis déjà mort depuis un bail petit gars… »

Souplement et félinement malgré son état d’ébriété plus qu’avancé et il entama de traverser la salle pour se diriger vers les toilettes. Mais que nenni… Le destin ayant décidé de s’acharner contre lui, ses pieds refusèrent d’aller plus en avant et il percuta l’épaule d’une jeune femme avant de basculer en avant et de heurter le carrelage immaculé. Pas de craquements, pas de goût ferrique dans la bouche… Visiblement il n’avait rien de cassé… Rien de plus qu’une ou deux ecchymose de plus ce qui ne le changerais pas du tout de son quotidien. Il tâta son visage pour être sûr que rien ne s’était déplacé après le choc puis s’aidant de ses coudes il se releva cette fois ci beaucoup moins élégamment. Sa hanche lui faisait un mal de chien et la douleur irradiait jusque dans ses côtes ce qui lui coupait sommairement la respiration. Haletant un moment il parvint tout de même à jeter un coup d’œil à la petite silhouette qu’il avait si poliment cogné et marmonna un ou deux mots d’excuse dans sa barbe. Sa bouche était pâteuse et les mots ne sortaient pas du tout comme il l’aurait dût… pour quiconque cela aurait put paraitre atterrant, peut être même bien affolant, mais pour le chanteur à la crinière de feux ce n’était rien d’autre que du quotidien bien rôdé.

« _ Désolé mademoiselle… Je ne voulais pas… Je ne vous avais pas vu… »

Il tenta de sourire mais la bile traçait son chemin et le rongeait de l’intérieur. Son visage se déforma malgré lui et sa jolie demi-lune factice se transforma aussitôt en grimace immonde. Il fit pivoter son corps d’un quart de tour et chercha la porte tant désiré des yeux. Elle ne se trouvait être qu’à deux cent mètres tout au plus mais ça lui était quasiment insurmontable. Il serra un pan de son débardeur de coton noir et ravala un hoquet douloureux avant de se masser les tempes.

« _ Dit donc le freluquet ! Tu comptes me voler ma conquête ?
_ Ta …Ta quoi ?
_ Ma conquête du con ! Cette nana était avec moi !
_ Avec toi ?
_ Bah ouai t’es sourd où tu le fais exprès ! »

Shun grimaça de plus belle avant de laisser tinter son rire sans joie. Visiblement les hommes étaient toujours aussi répugnant… Ils s’appropriaient comme des objets des créatures vivantes et se croyaient de ce fait en droit de tout leur faire… de tout leur réclamer… Il était bien placé pour savoir tout ça. Lui-même n’était qu’un objet sans valeur parmi tant d’autre. Il était si souvent plié à ce genre de volonté intangible. Se redressant de toute sa stature fluette et longiligne il jeta un regard morose à son interlocuteur.

« _ Elle ne t’appartient pas ! Elle n’appartient à personne…
_Tu oses ?
_ J’ose sans problème… »

L’homme leva un poing aussi immense que rapide et l’élança vers la pommette du plus jeune. Le chanteur plia les genoux et le laissa brisé la plupart de ses os sur le mur cimenté qui se trouvait non loin de lui. Le colosse tout en muscle hurla aussitôt comme une jeune demoiselle et sans demandé son reste s’en alla dans un coin en pestant contre Shun. Malgré la distance le jeune homme put parfaitement distinguée les menaces de morts qu’il proférait à son encontre mais cela ne lui fit ni chaud ni froid.

« _ Les laisses plus te traiter comme ça à l’avenir… personne n’a le droit de te déclarer comme étant sa propriété… »

Abordée par un colosse, un homme sculpté de muscle, Saya et son petit minois gardait un sourire impeccable malgré ses pensées qui étaient tout à fait répugner par l'apparence du colosse. Elle continua à danser et dans un souffle, elle murmura un prix assez colossale; lui aussi. Elle le regarda se décomposer lentement mais apparemment, il ne voulait pas lâcher l'affaire avec elle. Elle soupira doucement et avec un sourire et des yeux doux, elle tendit la main vers la liasse de billet qui lui tendait. Elle rangea l'argent dans son décolleté et se laissa payer un nouveau verre d'alcool par l'homme. Elle se laissa entraîner vers le comptoir et regarda le barman complètement lassé. Apparemment, celui-ci comprenait la jeune hôtesse car il lui fit un regard compatissant. Elle attrapa la verre de Sake et le but en grande pompe pour ressentir cette immense chaleur que cela lui procurait. Elle repartit ensuite danser en sa compagnie et se frotta à lui sous ses immondes ordres. Dans la tête de la brune, le mot 'argent' ne cessait d'être prononcé comme pour lui rappeler pourquoi elle dansait de manière aussi vulgaire contre ce tas de muscles.

Elle ne te vis point arrivé car tu la bousculai avec une telle force qu'elle fut propulsée contre lui. Elle te regarda, se frottant l'épaule et remarqua bien ton état d'ébriété. Elle aurait bien voulu t'aider si elle n'avait pas été retenu par Musclor. Elle l'aurait frappé si elle ne fut pas écarté de votre bagarre par une âme vaillante. Elle te regarda ratatiner cette espèce de grosse brute plein de prétention. Elle sourit doucement et quand elle vit que tu te rapprochais d'elle, elle prit un peu d'allure et s'inclina en te remerciant beaucoup pour l'avoir remis à sa place. Certes elle avait gagné de l'argent mais elle l'aurait remis à sa place à la fin de ce rendez vous improvisé. Elle écouta ta phrase avec un peu d'admiration et de tristesse.

'_ Vous avez raison, Monsieur, mais ce jeune homme m'a payé pour ma compagnie. Alors il a un peu raison. Je suis sa propriété pour une soirée. Je vous remercie pour l'avoir frappé. Il le mérite beaucoup. '

Je te souris doucement et l'entendant pester, je lui fis un immense doigt d'honneur avec une belle grimace en prime. Je te regardai et voyant ton état, je ne préférai pas te laisser seul. On ne savait pas ce qu'il se passait dans la rue, tu pourrais te faire agresser ou encore tuer.

Shun se tourna vers la jeune femme en souriant. Ce n'était pas tant les menaces de ce stupide ivrogne qui l'intimidait que son imposante musculature. En effet, le jeune chanteur ne disposait en tout et pour tout que de ses os misérablement fins et d'à peine de quoi les tenir à sa peau. Des muscles? Qu'était-ce donc que cette chose qu'il ne connaissait pas au même titre que la masse adipeuse? Il jeta un coup d'œil suspicieux à ses poignets... toujours trop épais à son goût et pourtant pas assez pour supporter l'assaut de ce taureau courroucé! S'il l'envie prenait à cet abrutit sur patte de le lyncher à la sortie de l'établissement personne ne pourrait l'en empêché et certainement pas lui même... Bref il s'était foutu dans une indicible merde.
Bon pour dire les chose clairement... C'était loin d'être la première fois qu'il se roulait dans sa fange mais bon... En l'occurrence il avait passé une sale journée et ses penchant masochistes avaient laissés place à une lassitude croissante et non négligeable. Et oui... même à lui ça arrivait! lui qui aimait tant souffrir... lui qui aimait tant qu'on le fasse souffrir! même à lui il arrivait de réclamer du calme et deux minutes d'apaisement... mais même cela, c'était trop! C'était visiblement ce que son cerveau et son corps tentait de lui faire passé par le biais de cette ambiance électrique et pesante qu'il avait lui même crée.

Se tendant lentement et s'arcboutant pour permettre à ses quelques nerfs de rouler sous sa peau et sous la fine masse musculaire atrophiée, il se pencha vers sa nouvelle amie et tenta de ne pas l'imbiber de son haleine foutrement alcoolisé. Sur sa peau il savait également l'odeur du tabac froid imprégné mais tenta d'en faire abstraction pour un moment. Ses yeux brillaient d'un éclat qui aurait put passé pour de la démence en d'autre circonstances...

Le vitreux de ses deux prunelles d'ébène ténébreuses laissa place à une colère sourde... a une haine sans limite. Cependant elle n'était absolument pas diriger vers la jeune femme. Bien au contraire... Cette pauvre petite devait subir continuellement cet avilissement malsain que l'homme se sentait en droit d'imposer à tout le monde...

"_ même pour de l'argent... ne laisse jamais quelqu'un te parler de la sorte. Et je sais de quoi je parles tu peux me croire sur parole... Dès lors qu'un individu de ce type te croie sienne c'est l'allée pour l'Acheron... C'est la porte ouverte sur la violence brute et sur toute autre forme de douleur... Certaine fille de la rue se sont retrouvée morte comme ça. Vendre son corps ce n'est pas seulement un gagne pain... c'est un art pas vrai?... Et la première leçon réside en ces simples connaissance: aie tu respect pour toi même car dans le cas contraire personne ne pourra en avoir pour toi."

Il sourit doucereusement et son visage se craquela un peu. A l'image de ces miroirs qu'on brise consciencieusement il laissa apparaitre sa véritable nature: la lassitude et la tristesse à l'état pur. Se redressant lentement il réajusta une ou deux mèches rebelles qui s'attardaient sur ses épaules osseuses et dénudées et continua d'une voix sans prétentions.

"_ Tu es jolie... Combien lui en demandais-tu pour tes services?"

- Je lui demande 3.000€ de l'heure. Et merci pour le compliment Mr.

Je te regardai, soupirant un peu. J'étais honteuse de ce que j'avouais. Je n'avais jamais dit le prix que je prenais avant toi. Je regardai ma tenue et sourit, sachant que je ne ressemblais pas à une pute aujourd'hui. Habillée comme une jeune fille de mon âge. Je pris ton bras et le passai autour de mon cou pour que ton poids puisse être porté par moi et non l'inverse. J'étais assez costaud pour te porter, je nous fis avancer vers la sortie sans me soucier des paroles injurieuses du colosse. Je le regardai méchamment, te faisant accouder sur un mur non loin de la sortie. Je me dirigeai vers lui et lui mit une gifle monumentale. Je regrettai un peu mais je ne le montrais pas. Ce mec méritaient peut être pire que cette petite tape sur sa joue.

Je revins un peu rouge de honte et te souris en te reprenant dans mes bras. J'avançai en souriant tendrement. J'appréciais beaucoup prendre soin des gens. Je marchai lentement essayant de ne pas trop de brusquer. Tu n'avais pas tellement besoin de ça. Je regardai la rue un peu bondé par les travailleurs qui rentrait chez eux pour retrouver leurs chers petits compagnons. Je nous fis rentrer dans la masse sans pour autant nous faire oublier. Tes cheveux nous en empêchaient un peu à vrai.